Lorsque tu n’arrives pas à écrire la première phrase de ton texte, commence par la deuxième, dit-on – on ne peut pas faire plus flou. « Dit-on », c’est bien la formule qu’on utilise pour énoncer des vérités générales – ou que l’on souhaite générales – en les attribuant à cette forme diffuse, aux contours obscurs, du « on », qui représente à la fois tout le monde et personne – Après tout, lorsqu’on désigne des individus en tant que groupes, ce ne sont plus tout à fait des individus, en tout cas pas des individualités pourvues d’une personnalité bien caractérisée. Tout au plus une masse informe, ô combien impersonnelle, une entité unique dont les rouages seraient les corps – Ne sommes-nous pas des machines organiques ? Des os, des tendons, de la chair, du sang et, parfois, de l’intelligence au service de ce mécanisme bien huilé, bien que parfois grinçant, de la société – Dans laquelle quelques esprits, plus brillants que les autres, prononcent des discours futiles, grotesques ou géniaux, qui alimenteront les conversations des membres plus médiocres de cette structure civilisée – Des figures éclairées, donc, qui seront citées à travers les âges : citations hors propos parfois, citations hors contexte souvent, mais surtout citations sans mémoire, sans souvenir du nom illustre qui en est à l’origine – Ce nom disparu qui, alors, se dissout dans cette vase incertaine du savoir commun, manifesté au travers de cette fameuse expression : « dit-on ».
Lorsque tu n’arrives pas à écrire la première phrase de ton texte, commence par la deuxième. Comme je n’avais pas la première, ni la deuxième, c’est cette règle qui entame le papier.